Historique détaillé du CARRI de Mazan (page2)

Remarque: Ce site n'est pas le site officiel du Carri

Pour en savoir plus:

Pour en savoir plus vous pouvez lire ici l'intégralité du chapitre consacré au Carri du livre de Camille Tiran  "Chronique de Mazan" publié chez SCRIBA.
   


Il y a lieu également d'envisager le problème sous un autre aspect : de janvier à juin, la terre ne produit aucun bien de consommation et l'homme doit vivre sur ses récoltes de l'automne précédent. Quand les récoltes ont été déficientes, quand elles ont subi des détériorations du fait  du gel, de l'humidité, des déprédateurs ou des pillages , c'est la disette et quelquefois la famine - alors la hargne sévit plus spécialement en cette période printanière.

Dans un but d'apaisement, pour oublier privation et carême, les hommes se défoulent lors des fêtes carnavalesques. On brûle sa majesté Caramentran. Ces manifestations d'origine païenne très anciennes ont été remises à l'honneur d'une part par les Italiens qui lancent la mode des mascarades publiques et par le Régent de France qui organise en 1715 des bals masqués où règne l'esprit satirique et moqueur.
Ces deux mouvements d'idées ont pu se concrétiser chez nous dans « lou carri » et en fixer la date.

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Mais qu'est-ce donc que « lou carri » ou le char ?
Malgré le fait que cette manifestation honore sa seigneurie « Messire de Saint-Andiol », c'est une revanche satirique et impitoyable du peuple mazanais sur les statuts imposés par ses dirigeants.
On y voit sa seigneurie juchée sur un char traîné par 15 bourriques et flanquée de ses co-seigneurs chamarrés, l'un d'escargots, l'autre de hannetons, deux calamités dont souffre l'agriculture locale - le phylloxéra n'étant pas encore arrivé à Mazan.

Ces premiers « carri » n'étaient qu 'un défilé de chars rustiques traînés par les chevaux des paysans, leurs mulets et leurs ânes flanqués de cavaliers. Le défilé, annoncé par les cris, les roulements des tambours et les grincements de crécelle,
faisait le tour du bourg suivi par toute la population. On profitait de l'occasion pour annoncer sur la place publique les griefs du moment. Les véritables seigneurs et les consuls apprenaient ainsi par la voix des personnes qui les pastichaient ce que tout un chacun pensait de leur gestion. C'était une mascarade, mais l'ironie est une arme redoutable surtout quand elle se manifeste devant une foule qui a bien bu et bien festoyé et dont les sujets de mécontentement sont bien réels. Sorte de soupape de sûreté, le carri se déroulait ainsi, peut-être quelquefois brutal en paroles, mais surtout, le plus souvent, irrévérencieux. Au fur et à mesure que les ans passaient, les seigneurs abandonnaient quelques prérogatives dont les consuls s'emparaient souvent sans que le peuple n'en bénéficie. D'ailleurs, malgré les manifestations du carri, le Conseil des chefs de famille ne fut réuni que fort rarement avant que n'éclatât la
grande révolution française.. Mazan répondit alors favorablement aux insurrections parisiennes et dès le 22 avril 1789, il obtint de son Conseil la réduction de moitié du capage, impôt par tête. Le 26 août, il rédigeait son cahier de doléances. En 1790, la ville manque de blé et s'insurge et le 16 janvier 1791, à l'image de Carpentras, Mazan arbore les armes de France.

Modification du Carri

Puisqu'il n'y a plus de seigneur, le carri devient sans objet. Pourtant, Mazan ne veut pas abandonner cette manifestation qui a fait tant pour la gloire de la cité et qui représente aux yeux conservateurs des mazanais les fastes des anciens régimes.
Les prochains « carri » vont donc changer d'esprit et devenir des rétrospectives historiques dont on respectera immuablement le style de génération en génération.
Comme on veut, chaque fois, que la manifestation surpasse les précédentes, l'organisation en devient si importante et si onéreuse que le « carri » n'a plus lieu que tous les quatre ans, puis tous les vingt ans afin que chaque génération fasse mieux que ses pères.
On soignera le choix des costumes qui variera selon les possibilités du moment, ce qui n'a d'ailleurs que peu d'importance puisque c'est un tableau d'histoire que l'on veut présenter. Ce tableau peut varier dans le temps entre 1725 et 1791. On veillera au choix des montures et à leur présentation. Il faudra également étoffer le cortège si bien qu 'on arrivera en 1980 et 1981 à utiliser une cavalerie de 100 chevaux avec près de 200 figurants.

Histoire possible du premier Carri


Ce premier carri, comment est-il né ? Ce fut un banal événement, au soir d'un beau dimanche de mai, un simple fait divers qui ne déchaîna pas la chronique historique du Comtat.
Au document connu ne le relate. Nous voilà donc contraints de laisser quelque peu errer notre imagination et de broder autour des faits historiques.
Les élections plus ou moins factices des consuls viennent de se dérouler et, comme chaque année, elle ont donné lieu aux agapes habituelles.
Consuls, viguier, bourgeois et gros propriétaires amis des consuls ont festoyé à qui mieux mieux. Bien entendu, ce serait leur droit s'ils avaient soin d'en régler les frais en puisant dans leurs bourses personnelles, mais c'est la communauté qui supporte la dépense.
Or le peuple est à peine remis d'une très funeste période. En 1709, ce fut le terrible hiver, le plus froid de la période historique. Tout a gelé. Les arbres ont éclaté et beaucoup ont péri. Il a fallu refaire l'environnement, Mazan a connu une famine telle que le consul d'alors qui était déjà le sire de Saint-Andiol a du faire preuve d'humilité et implorer d'ailleurs sans succès, le terrible vice-légat d'alors : Monseigneur Doria, afin de tenter d'obtenir un peu de blé que Rome a envoyé en Avignon.
En 1721, alors que Mazan avait quelque peu pansé ses blessures, ce fut la peste. « Ils ne mourrait pas tous », comme dit le poète, mais tous en souffrait terriblement.
En 1725, à Mazan, chacun a encore en mémoire la pénible déclaration faite l'an précédent par ce pauvre tailleur juif qui a certifié, devant le tribunal, ne se nourrir qu e de pain noir et d'oignon et ne boire que de l'eau (manuscrit 1413 de la Bibliothèque de Carpentras).

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