Dix-neuf cent quatre-vingts - quatre-vingt un : 31 ans ; plus d'une
génération !
Il était temps !
Voici les préparatifs que nous avons vécus au fil des réunions.
Depuis plus d'un an, l'idée est dans l'air : quelqu'un a parlé de
refaire le Carri, mais en réalité, personne n'y croit vraiment. C'est
Ughetto Henri, président des CATM, 4ème adjoint au Conseil Municipal,
président de la commission des fêtes, qui sut convaincre le conseil
municipal de reprendre l'affaire en main.
Par la voix de la presse, la population fut invitée à une soirée
cinématographique. On y projeta des films d'amateurs, dont un en
couleur de Blanc Amédée, tirés lors des « Carri » de 1948-49.
Neuf commissions furent établies et les responsables désignés :
-Les Finances
-Les chevaux
-Les service d'ordre
-La restauration
-La publicité
-La musique
-Les costumes
-L'aménagement des lieux
-La sonorisation
Il fallait tout d'abord se procurer les fonds nécessaires. On décida de
faire une tombola, de faire payer aux acteurs une participation pour la
location des costumes, de vendre des tee-shirts, des coiffures et des
pichets de terre cuite avec l'inscription « Carri de Mazan ».
Seulement, le grand problème, c'est la cavalerie : à Mazan, il n'existe
plus guère de chevaux de trait, il faudra donc en louer hors commune à
un voiturier, Monsieur Moyne à Entraigues, et faire appel aux
cultivateurs des environs. Pour les chevaux de selle, la solution est
presque identique, il en existe un peu partout, mais on veut faire «
grand » : mousquetaires, sergents d'armes, gardes et autres cavaliers
doivent former une cavalerie de 72 unités, nombre considérable qui
oblige à louer des chevaux au Centre Equestre de la Gourmette.
D'autres problèmes surgissent.
Depuis toujours, le rendez-vous champêtre se tenait dans les bois du
quartier de Notre-Dame du Bon-Remède. Or, il n'y a plus de bois dans ce
quartier ; la vigne a remplacé les vieux chênes. La commission du Carri
est obligée d'organiser le déjeuner champêtre dans un quartier voisin «
Le Rouret », où les bois sont assez vastes pour recevoir un grand
nombre de spectateurs et tous les acteurs. Il faut signaler que ces
bois sont propriété de la famille Roure, qui a donné la permission d'en
disposer pour le Carri.
Au sujet du choix de la date, la polémique devient sérieuse : la
tradition veut que ce soit le premier dimanche de mai. Pourtant, la
date du 27 juillet a été retenue, pourquoi ? Les cultures mazanaises
ont changé. L'entretien de la vigne, la cueillette des cerises, la
récolte des asperges occupent les paysans tout le mois de mai. D'autre
part, les congés annuels de tous les salariés du village peuvent être
pris en juillet et non pas en mai : les vacances scolaires sont aussi à
cette époque, qui voit affluer les touristes en Provence.
On a vu grand, il faut un nombre considérable de spectateurs pour
couvrir les frais, le 27 juillet on fera payer le droit d'accès à Mazan.
Mais là ne s'arrêtent pas les difficultés ; l'abbé Rivaud, curé de
Mazan, déroge aussi aux traditions. Il veut bien dire la messe, mais
sous
conditions : dans une explication donnée sur le bulletin paroissial
« Echos du Ventoux » de mars 1980, nous pouvons lire :
« Ceux qui contestent - à juste titre d'ailleurs ! - le fait de
« plaquer » une messe sur une manifestation qui n'est pas en soi une
célébration religieuse, ni un pèlerinage… n'osent pas en général
exprimer tout haut leur opinion… »
Monsieur le Curé ! On ne « plaque » pas une messe sur une tradition
populaire, et il nous serait facile de citer une demi-douzaine de
manifestations sans caractère religieux où une messe est « plaquée »
toutes les années.
Nous devons admettre que cette polémique prit son origine dans le
manque de connaissance de ce qu'est le Carri. Il ne faut pas le
considérer comme une mascarade, mais comme une vraie reconstitution
d'un fait historique de notre cité.
Un compromis a été trouvé entre les responsables de l'organisation du
Carri et les membres de la commission pastorale sacramentelle
diocésaine. La rencontre eut lieu le 21 février au presbytère.
« La messe ne devra pas apparaître comme « imposée » et par conséquent,
elle ne devra pas être annoncée par les affiches ou les tracts
publicitaires qui feront connaître la manifestation comme si elle en
était une partie intégrante ».
A la suite d'une proposition de la commission de sécurité, une décision
originale a été prise : le jour du Carri, de 10 h du matin au soir 19
h, le bourg de Mazan et ses abords immédiats sont déclarés « zone
piétonnière » et de ce fait, interdits à tous véhicules, sauf à ceux du
cortège et, le cas échéant, aux véhicules de sécurité.
C'est là une mesure de sagesse. La circulation est déviée et assurée
par un contingent de 40 gendarmes et l'on préserve ainsi Mazan de la
gêne certaine qu'aurait causé l'envahissement des rues par les
automobiles des spectateurs (tout se déroule pour le mieux).
Les rôles sont distribués, nous en donnons ici les principaux :
-
Le
seigneur du jour : Raspail Albert a pour page sa fille Isabelle
-
Le
seigneur des hannetons : Coudray Aimé et son fils Sébastien pour
page
-
Le
seigneurs des escargots : Conil Alain accompagné de son neveu et
page Long Jean-Marc
-Le grand viguier est Calamel Jean
-Le greffier : Conil François, seul figurant qui avec les défilés de
1980-1981 en est à sa cinquième puis sixième participation.
Un des exemples dans la continuité des rôles tenus est le «
postillon
à pied », Jean-Luc Meysen assure cette fonction pour les Carri de
1980 et 1981. Son père Léon Meysen était celui des Carri de 1948 et
1949. Son grand-père, François Meysen, occupait déjà cette place pour
les Carri de 1927-1928.
La chanson officielle de cette année est composée. La musique est de
Conil Raymond, les paroles en provençal de Tiran Louis. Une deuxième
chanson également en provençal a été écrite sur l'air de « La Coupo
Santo » par Bagnol Louis. Au défilé de 1980, on s'est permis quelques
fantaisies. En plus des traditionnelles cantinières,
un groupe de jeunes
filles fait partie de la cavalerie, et, après le repas champêtre,
des couples en costumes d'époque présentent des
vieilles
danses d'alors.
Une répétition générale eut lieu le lundi de Pâques. Tout était prêt
pour le grand jour. Le Carri du 27 juillet 1980 en costumes Louis XV
fut sans conteste une grande réussite.
Le bis du 19 juillet 1981 en costume Louis XVI fut égal à ce que les
organisateurs en espéraient.
Les Mazanais d'origine espèrent qu'un homme courageux reprenne un jour
le flambeau et souhaitent de tout cœur « une bonne et longue route au
Carri de Mazan »
Les livres qui nous parlent du
Carri ne sont pas si nombreux et nous les signalons volontiers ici
-« Guide de la Provence mystérieuse » : galerie du
mystère 1966 (pages 201-202) - Presse Pocket - 116, rue du Bac, Paris.
-« Dictionnaire des communes : Vaucluse » : de
Robert Bailly - 1961 (pages 243-244) - Jean-Yves Baud éditeur, Avignon.
-« Mazan, histoire et vie quotidienne d'un village
comtadin » : par Pierre Fayot et Camille Tiran - 1978 (pages
318 à 323) - Le nombre d'or - 24 avenue Clémenceau, Carpentras.
Cet historique du Carri
a servi à l'élaboration de l'article sur la fête dans le grand magazine
d'Avignon et de la Provence « L'ACCENT » n°1104 de
juillet-août 1981.