Nous avons eu la chance de retrouver des documents authentiques de
1756,1774 et 1778.
Ces documents confirment la tradition orale et nous rendent compte que
s'il y avait bien parfois le premier dimanche de mai un
défilé du Carri, ils nous apprennent aussi qu'une
association dénommée « Respectable
communauté et seigneurie de Saint-Andiol » groupant une
multitude de joyeux lurons, se réunissait fréquemment
dans le courant de l'année pour pasticher les véritables
seigneurs et consuls et maintenir la tradition du Carri.
Nous remarquons que Saint-Andéol, avec un E, nom des anciens
consuls, et devenu Saint-Andiol avec un I, à cause de la
phonétique provençale.
Ces documents comprennent les statuts, règlements et ordonnances
de la communauté et seigneurie de Saint-Andiol du 1er mai 1756,
ainsi que la liste des membres de cette communauté qui ont
animé les festivités des années 1756,1774,1778.
Ces statuts sont relatifs à une sorte de société
du Carri, constituée autour de la seigneurie imaginaire de
Saint-Andiol et chargée d'assurer la continuité du Carri
à travers les siècles. Relevons quelque passages typiques
de cet esprit :
« A la maison champêtre de Saint-Andiol a été
élu Gabriel Mathieu pour son savoir consommé, sa prudence
,ses six clapiers (tas de pierres) et quatre murailles où
habitent escargots et aloses ».Il est promu
seigneur de la garousse (plante fourragère)
gouverneur des pays à bâtir
intendant de ses propres finances
procureur des officiers de l'université vineuse
destructeur des garris (gros rats)
grand veneur des tartarasses sur le barri (engoulevent sur les
remparts).
Faute de maison commune, le Conseil formé de gens de même
espèce se réunira maintes fois au cabaret. Il
établira lois et règlements, fort sages, permettant de
réparer ou construire des bastides ou bastidons dans la campagne
afin de servir d'abris contre la pluie ; de protéger les
escargots en interdisant leur chasse en janvier, mars et novembre,
trois mois pendant lesquels ils fraient, pondent et prennent
goûts. Les abris à escargots seront protégés
; défendre de tuer le « grillets » ( grillons ),
sauterelles, papillons, chenilles, mouches et moucherons afin de
conserver la nourriture des oiseaux.
Tout cela, c'est la partie écologique de l'affaire, mais ensuite
le règlement devient burlesque.
Institution d'un péage donnant lieu à une adjudication de
l'affermage avec règlement en escargots le 30 février de
chaque année.
Institution d'un droit de vue sur les marchandises portées au
marché.
Obligation pour les membres des assemblées de campagne d'y
apporter leur nourriture s'ils veulent manger, de fournir les
éléments nécessaires à leurs jeux s'ils
veulent se divertir, et dans tous les cas apporter un flasque de bon
vin bien remplie. La qualité de ce vin sera
contrôlé par les visiteurs de flasques. Le mauvais vin
sera jeté, le propriétaire affiché au Carri est
condamné à l'eau pendant trois semaine.
De plus, les trois consuls devront rendre visite chaque mois au sire
Mathieu de Saint-Andiol et ils ne viendront pas sans chaperon qui sera,
en été, un lourd manteau formé d'une pesante
couverture et en hiver un triste et vieux linge tout percé dans
lesquels ils auront alors possibilité de ramasser les fruits des
champs (allusion aux véritables seigneurs et consuls qui ne
permettaient la cueillette des surplus que lorsqu'il n'y en avait pas).
Les statuts contiennent l'adjudication d'une ferme pour la chasse aux
escargots dans le terroir payable en un contingent d'escargots
livrables partie le 31 octobre 1756, partie le 30 février 1757.
Adjudication d'un droit de pêche dans l'Auzon, les «
maîres, biaux et vallats » moyennant fourniture d'un
important contingent de poissons… de rivières et de mer :
harengs, brochets, merluches, aloses, soles et merlans pour les noces
du seigneur Mathieu.
Tout ceci ressemble fort aux règlements de nos « communes
libres » qui ont fleuri au début de ce siècle pour
le divertissement de citadins bons vivants.
