S'il est probable qu'à partir de 1725 et même
peut-être quelques années auparavant, la journée
carnavalesque des revendications se déroulait tous les ans, et
cela jusqu'à la veille de la Révolution, nous ne pouvons
pas donner de date de reprise de cette manifestation après la
révolution de 1789 et le rattachement de Comtat Venaissin
à la république française.
(le dernier chiffre est
illisible sur le manuscrit de l'époque ?)
Mille sept cent quatre vingt dix… et plus :
Nous pourrions penser que les troubles révolutionnaires de 1789
à 1799 aient mis un terme à la tradition populaire du
« Carri », puisque le Révolution supprimait les
privilèges, les rois, les nobles et les seigneurs provinciaux et
par voie de conséquence toutes les manifestations populaires
revendicatives qui pastichaient ou ridiculisaient ces grand personnages
locaux. Mais il n'en fut rien, les soubresauts qui secouèrent
Mazan pendant cette période ne brisèrent pas tout
à fait l'esprit frondeur de nos ancêtres dont certains
décidèrent de conserver la « Respectable
Communauté et Seigneurie de Saint-Andiol » .C'est un
document d'époque qui nous l'apprend - plusieurs mazanais se
réunissent pour maintenir la tradition. La prudence pourtant
était nécessaire ; l'association ne s'appelait plus
« la Respectable Communauté et Seigneurie de Saint-Andiol
» , mais seulement la « Respectable Société
de Saint-Andiol ». le particulier qui portait le titre ronflant
de « Seigneur du Carri » s'est retrouvé alors
« Président du Carri ». Enfin «
Révolution oblige », l'article II des statuts de
l'époque que nous recopions en partie nous apprend que :
« Les dénominations de noble, haut et puissant seigneur,
comte, vicomte, baron et marquis demeurent abolies, et
supprimées à perpétuité, dans la
Société de Saint-Andiol ; néanmoins par respect
pour la Société elle-même et pour donner un
caractère plus imposant à notre administration, le
Président pourra faire consigner dans tous les actes relatifs
à sa charge ses qualités réelles telles que
Président au Parlement de la campagne, chancelier et garde
bouteilles de la juridiction vineuse, surintendant des finances qu'il a
dans ses coffres, gouverneur des pays à bâtir, directeur
général des postes aux escargots… etc., etc.… »
Nous voyons que les titres honorifiques ont changé, mais que
l'esprit reste le même. Nous avons aussi relevé les noms
des personnes qui eurent le courage de maintenir la tradition
malgré les tragiques événements :
Citoyen Laugier, Président de l'administration
Pierre Mathieu, Vice-président
Jean-Baptiste Moine, Michel Royer, Joseph Escoffier, Administrateurs
Eusèbe Quintin, Commissaire surveillant
Le Citoyen Secrétaire Général, Aimé Duffour.
Nous ne savons pas si un défilé dans la campagne et dans
le village a réellement eu lieu, mais à l'article 4 du
même document, l'ordonnance de celui-ci est minutieusement
décrite.
Un autre manuscrit de quelques années plus proche de nous mais
hélas sans date précise, reprend les mêmes statuts
(républicains).
Le secrétaire de la communauté les avait
rédigés avec le nom de « Président »,
mais le fièvre révolutionnaire étant probablement
moins violent, ce mot de Président fut barré et
remplacé en surligne, pas encore par le mot « Seigneur
», mais quand même par le mot « consul ».
Nous nous rapprochons peu à peu des Carri modernes, en passant
progressivement de la fête revendicative, par la manifestation
évocatrice et enfin par la véritable reconstitution d'une
cour seigneuriale.
De 1804 à 1815, c'est le Premier Empire avec toutes ses guerres
et désolations ; vint ensuite la Restauration puis la chute des
Bourbon en 1830.
Il est probable que pendant toutes ces années, les grandes
fêtes telles que le Carri restèrent en sommeil, et il nous
faudra attendre 1846 pour retrouver la trace de ce pittoresque
défilé.
En dix-huit cent quarante-six, alors que Carpentras compte à peu
près 10 000 habitants, Mazan an a près de 4 000 et les
deux villes sont concurrentes. Mazan avec plus de 600 cultivateurs et
un commerce prospère, se sent en plein essor. Deux journaux nous
apprennent qu'un ronflante polémique oppose à propos du
Carri, « L'Impartial de Vaucluse » du 89 mai 1847 et
« L'Échos du Ventoux » du 15 mai de la même
année (Bibliothèque Inguimbertine - Carpentras - Archive
25.395), où nous lisons :
« … à preuve de la folie de ces gens (les Mazanais) qui
voulaient l'an passé, à la même époque,
venir manger Carpentras, et qui se déchaînèrent en
invectives contre cette innocente ville au moment où elle ne
pensait à rien moins ».
Le journal est daté de 1847 et parle de « l'an
passé ». Nous sommes assurés que le Carri s'est
déroulé en 1846.
Ces deux articles nous laissent supposer que d'autres « Carri
» s'étaient déjà déroulés bien
des années auparavant puisque nous lisons également dans
« L'Impérial de Vaucluse » : « Les costumes se
transmettent dans les familles comme on se transmet un enclos » :
Le « Seigneur des escargots » dément cette coutume
en décrivant : « n'était par bonheur, les
témoignages des costumiers d'Avignon qui nous ont tout fourni…
», il ajoute plus loin : « il est un costume traditionnel
et religieusement conservé parmi nous. C'est celui que je porte
; oui , celui-là se transmet en effet d'âge en âge…
», donc le costume porté par cet acteur en 1846 et 1847 a
été transmis lors de « Carri »
précédents