Dix-huit cent
quatre-vingt neuf :
Revenons donc en 1889 à Mazan. Nous avons cette fois le
témoignage recueilli avant 1970 chez de vieux mazanais, Marius
Marcellin et Marceau Bagnol, décédés aujourd'hui.
Mais laissons parler Marcellin :
« En 1889, eut lieu une de ces manifestations, j'avais environ
sept ans, ma mère me tenant par la main me conduisit voir « Le
Carri ». le seul souvenir qui m'en est resté, c'est d'avoir vu une
longue charrette attelée de nombreux chevaux. La charrette était garnie
de buis. Dessus se tenaient des hommes travestis qui faisaient des
discours ».
Nous savons également qu'en 1889, le seigneur du jour s'appelait Joseph
Roman dit « tché ! tché ! » (les surnoms sont
monnaie courante dans la région).Il était agriculteur, propriétaire
exploitant. Il habitait route de Pernes, quartier de la Condamine.
Il est probable qu'en 1896, il y eut une manifestation avec le même
seigneur, mais les témoignages recueillis font état de dates
différentes : 1895-1896-1897 ? Nous préférons donc rester
dans l'expectative.
C'est le premier
Carri des temps modernes
Dix-huit cent quatre-vingt
dix-huit : Les
recherches deviennent plus faciles grâce aux témoignages verbaux et
écrits des vieux Mazanais, et, miracle du temps des photographies de la
cérémonie, nous avons
plusieurs photos de
Carri de 1898
Magnifiques et pittoresques, les deux seigneurs des hannetons et des
escargots accompagnés de leurs pages montés tous les quatre dans une
« jardinière » (petite charrette tirée par un splendide
baudet)
Carri de 1898
Les seigneurs des hannetons et des escargots et leurs pages sur la même
jardinière.
A remarquer : les Mazanaises endimanchées
Une
autre
photo représente le seigneur, son page et sa cour. Sur
une troisième, vingt-quatre personnes sont réunies dans de majestueuses
poses.
Tous ne participaient pas au
défilé ; le coureur cycliste par exemple accroupi au premier
rang « Montagard Célestin » posant là pour la postérité.
Carri de 1898
C'est un document historique, mais
également un document photographique d'archive.
Le seigneur du Carri
de 1898, Alexis Dubled, était maçon ; il avait comme beaucoup de
Mazanais un surnom, « léssi dé Capélan », il habitait sur les
quais de l'Auzon en face du lieu dit : « le fer à
cheval » à gauche de la porte dite de l'Auzon, à l'emplacement
actuelle des vitrines du syndicat agricole vauclusien.
Nous donnons avec plaisir les noms de quelques participants
Le seigneur des escargots était le frère du seigneur principal ;
son page Raymond Louis, dit « gibier ».
Le seigneur des hannetons était Gontier Henri, tuilier de
profession ; son jeune page Mansi Jean, le page de Messire de
Saint-Andéol s'appelait André Lacombe (fils), le viguier Esparon,
dit « Petit Paron », puis vient Blauvac
dit « tata », auteur de galéjades. Le visiteur de
flasques, Marcellin, père d'un de nos témoins, qui, d'une plume alerte,
nous donne une foule de détails :
« Sur la charrette se trouvé le viguier porteur du parapluie
géant. Il voyait aussi le lecteur des statuts de Baron de Saint-Andéol
« Consé » ; tous les personnages étaient habillés en
costumes de l 'époque Louis XV.
En avant se trouvait la cavalerie costumée de l'époque. Parmi eux, la
fanfare ».
Il donne ici la nom de plusieurs musiciens et il
continue : « Par devant tout ce monde se trouvaient deux
costauds sapeurs en la personne de Jean-Marie Bourgin et de son
beau-frère Blanc ».
Il décrit comme cela toute la fête sans oublier la messe au Bon-Remède
« suivie de la grande mangeaille » et les visiteurs de
flasques, et il termine son récit presque à regret : « Le
Carri retournait par le même chemin et venait défilé devant la
population ».
Combien nous sont précieux aujourd'hui ces écrits qui relatent avec
passion cette joie que fut pour lui le Carri.
Nous conservons au musée communal l'étendard de ce Carri de 1898. Ce
Carri de 1898 est novateur. Les lampions et flambeaux ne sont plus de
mise pour assurer l'éclairage du bal, c'est à la lueur des réverbères
électriques installés par le baron Ripert et alimentés par le courant
fourni par l'usine du moulin du Laquet, que vont évoluer danseurs et
danseuses.
Après cette date, les Mazanais restèrent vingt-neuf ans sans faire de
Carri. La fête devenait de plus en plus importante et l'organisation
retenait les plus courageux.
Le témoignage de Roman Henri nous apprend beaucoup de choses. Les
statuts de la fête étaient détenus à cette époque par la famille
Vauclaire qui n'était plus représentée à Mazan que par deux vieux
garçons. Ceux-ci eurent l'idée de remettre ce précieux manuscrit à la
municipalité en 1910 ou 1911.
Ces statuts furent transmis en 1927 à la famille Borel et furent
confiés par la suite à Conil Léon et ce sont ses descendants qui ont
bien voulu nous les confier pour rédiger le
chapitre « Trouvailles » ! !
Le témoin nous apprend aussi qu'entre les années 1900 et 1914, il y eut
deux tentatives de faire revivre la tradition, mais ces tentatives
n'aboutirent pas.
Une première fois, ce fut un nommé Edouard, rentier de son état,
habitant Boulevard des Innocents, qui fi des efforts méritoires pour
raviver la flamme du Carri dans le cœur des Mazanais. Une deuxième
fois, ce fut Brunet Didier, grand-père de Jacques Brunet, marchand de
matériaux, qui déploya en vain son énergie pour secouer l'apathie
naturelle des Provençaux Mazanais.
Dix-neuf cent vingt-sept et
dix-neuf cent vingt-huit :
Enfin ! Après cette interminable interruption, il
fallait se rattraper. Si toutes les festivités passées avaient été des
reconstitutions historiques en costumes d'époque, il n'en reste pas
moins que beaucoup de participants étaient
habillés « maison » ave des tenues plus ou moins
hétéroclites.